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El mag lob
16 mars 2011

Jules et Jim

 

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Jules et Jim est un film sur l'amour et sur l'amitié dans cet entremêlement des relations entre les trois personnages principaux. Il s'agit là d'un drame car dans l'amour qui les lie, aucun des trois personnages ne trouvera réellement sa place. Jules sombre dans la passivité par trop de gentillesse et se laisse embourber dans une situation intolérable au regard du spectateur, Jim sans doute par lâcheté ne peut assumer son amour pour une femme aussi volage et insaisissable que Catherine, symbolisée à la perfection par la chanson « Le Tourbillon de la vie » qu'elle chante dans le film et enfin Catherine qui aime les deux hommes et allant au gré de ses passions de l'instant. Finalement ce film montre l'impossibilité d'une forme d'union amoureuse autre que le couple. Catherine est la figure centrale du récit, c'est elle qui détruit quelque part les deux hommes. Ceci est d'ailleurs mis en image par la métaphore de l'eau, elle pousse tout d'abord Jules dans l'eau lorsque celui-ci tient des propos machistes, elle se jette avec Jim dans l'eau et dans la mort à la fin.

 

 

Malgré l'intimité des trois personnages dans laquelle nous plonge le récit, une certaine pudeur reste présente. Cette pureté est sans doute maintenue par l'amitié annulant toute rivalité qui persiste entre les deux hommes malgré leurs mésaventures. Le film s'attarde donc sur le quotidien, sur le détail, comme les brefs arrêts sur image qui mettent en valeurs certaines images à plusieurs reprises dans le film. Nous suivons les trois personnages dans leurs passions, nous sommes invité à les observer jusque dans leur intimité, à découvrir en cela leur intériorité et la perception que chacun a de la situation. Néanmoins nous ne pouvons pas toujours identifier distinctement ce qui les anime et nous ne pourrons juger de ce qui causera la souffrance de Jules après la guerre, si cela est du à l'amour que Catherine ne lui porte plus ou à la guerre à laquelle il vient de participer.

 

Dés le départ Catherine est perçue comme une figure sacrée, car si Jules et Jim l'aiment immédiatement, c'est pour le sourire d'une statue qu'ils reconnaissent sur son visage. Jim le dit « elle est une apparition pour tous, peut être pas une femme pour soi tout seul ». Ainsi, Catherine domine sans doute les deux hommes et notamment au niveau des décors, elle est partout maîtresse des lieux notamment à la campagne (à la plage, dans les bois ou en montagne) à l'opposé de Jules et Jim qui sont des personnages très urbains. Elle est une femme moderne qui assume ses désirs et ses passions même s'ils ne sont en accord avec la norme. Elle tente ainsi de réinventer l'amour un peu comme Truffaut tente de réinventer le cinéma en oubliant la norme existante.

 

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Le récit se déroulant à l'image est aussi tout au long relayé par le narrateur en voix off qui nous énonce des passages du roman de Henri-Pierre Roché dont Truffaut fait l'adaptation, au risque parfois de redoubler la signification des images. Ceci reflète bien la volonté de Truffaut, cinéaste très littéraire, de rester le plus fidèle possible au texte original tout en évitant de tomber dans ce qu'il reprochait aux adaptations de Delannoy.

 

On trouve également un refus de donner une conception manichéenne du monde et faire des personnages bons ou mauvais. Ainsi malgré leurs agissements plus ou moins discutables, il n'y a pas pour le spectateur de personnage montrés comme entièrement bons ou entièrement mauvais, Truffaut le refuse et le reproche au cinéma fait avant lui. Le réalisateur le dira lui-même, il ne voulait pas que Jules et Jim entre dans une catégorie préexistante de cinéma, il voulait faire un genre de cinéma nouveau. Les faits sont simplement présentés, la voix off sur un ton neutre nous les expliquent en plus de l'image et c'est au spectateur de juger.

 

Avec Jules et Jim, c'est un film tout à fait particulier et quelque part étrange dans son refus d'être catégorisé, d'entrer dans un genre de cinéma que nous livre ici François Truffaut. Les imperfections de la post-synchronisation se font vite oublier pour laisser place au ton très littéraire des voix nous rapprochant du roman original sur lequel le film est fondé. Jeanne Moreau est tout à fait étonnante dans le rôle de Catherine, sa joie de vivre communicative, son insolente malice nous donne une version toute à fait inhabituelle de la femme fatale.

 

C'est sans jugement moral sur ses personnages que Truffaut nous conte cette histoire, nous faisant entrer dans leur intimité sans jamais tomber dans le scabreux de ce que peut être une relation amoureuse liant trois personnes. Si les personnes semblent assumer leurs désirs et leurs passion et réinterpréter l'amour à leur manière, c'est pourtant le caractère personnel et quelque part non-conforme de celles-ci qui les conduira à la ruine. C'est Catherine, au centre de l'œuvre, qui mènera Jules et Jim à leur perte, par l'impossibilité de posséder cette femme, ce qu'ils avaient pourtant dés le départ compris.

 

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Dans une forme innovante, Truffaut nous raconte une histoire imprégnée de l'idéologie de l'époque. Il n'y a que la nouveauté qui importe, il faut ne pas refaire ce qui a déjà été fait, tel est le mot d'ordre ici, comme dans la quasi totalité de l'œuvre de l'enfant terrible de la nouvelle vague. Nous retrouvons d'ailleurs l'idéologie des années 60 c'est-à-dire une volonté d'aller de l'avant, de sortir du passé et une envie de renouveau. Ici Truffaut énonce clairement quel cinéma il veut faire, un cinéma littéraire, intellectuel mais nouveau, en dehors des sentiers battus par ses pères.

 

Force est dés lors de constater que le Paris est plutôt réussi. Si dans la technique le film n'est pas parfait, notamment en ce qui concerne le son post-synchronisé, en ce qui concerne la théorie Jules et Jim est réussi. C'est avec plaisir que l'on suit le parcours des trois personnages de situation en situation, ne se trouvant jamais de place définitive dans ce trio en constante évolution. Pas de couple ne peut se former dans la vie, c'est donc dans la mort que Catherine finit par choisir Jim, ce qui tue moralement Jules, destiné à un avenir guère plus enviable. L'innocence et la légèreté aboutit donc à une conclusion inattendue et brutale, amenée par Catherine comme une nouvelle fantaisie du moment, comme une folie passagère opérée comme une banalité avec le sourire.

 

Si le film peut paraître longuet par moments, il est dans son ensemble une franche réussite pour son époque. Pour un spectateur actuel les quelques défauts techniques peuvent apparaître comme troublants, mais seront vite effacés par la valeur du récit lui-même et les personnages brillamment interprétés et sur lesquels toute l'attention de la caméra et de la voix off est portée.


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